Comme on a pu le voir l'an dernier avec l'accident de la centrale de Fukushima ou le peu médiatique mais dévastateur tremblement de terre de Tohoku, le net est devenu pour les artistes et des labels altruistes l'occasion d'offrir, rapidement, un soutien financier et matériel aux victimes des catastrophes naturelles, la dématérialisation des supports permettant d'agir vite et de ne pas s'encombrer de délais de publication ou de coût de fabrication venant grèver ce qui revient effectivement aux destinataires de l'aide. Et si l'on a beaucoup vu il y a quelques semaines les images de dévastation d'une New York frappée par l'ouragan Sandy, le webzine Headphone Commute, à l'initiative de la compilation caritative ...and Darkness came n'oublie pas les habitants des îles touchées au préalable (Haïti, Cuba...) et distribuera l'ensemble des gains générés par le téléchargement de cette compilation à Médecins Sans Frontières et The Humane Society afin d'aider aux travaux de reconstruction. Mise en place, évidemment, avec une certaine urgence, ...and Darkness came n'est pourtant pas, loin s'en faut, une compilation au rabais, et pour la somme minimum de dix dollars, offre à tout acheteur pas moins de quatre vingt sept titres, soir plus de six heures de musique créée pour l'occasion ou offerte par la crème de l'ambient et du néoclassique. Au fil du tracklisting, on retrouve donc, entre autres, David Newlyn, Machinefabriek, Lawrence English, Pleq, Richard Chartier sous son identité de Pinkcourtesyphone, Scanner, Ian Hawgood ou Ben Lukas Boysen (Hecq), pour un ensemble de titres oscillant le plus souvent entre une mélancolie qui prend à la gorge et des climats sombres et recueillis. Entre ceux qui, New-yorkais, ont assisté de près à la montée des eaux (et qui en ont souvent tiré des field recordings utilisés ici) et les autres, court comme un fil commun de désespoir âcre, où se mèlent la contemplation du désastre, l'amertume face à une société en bout de course, et l'espoir d'un monde différent. Comme si l'ouragan Sandy, en ravageant la ville, devait en nettoyer les scories pour rendre possible l'émergence d'autre chose... un élan porté ici par les titres lumineux de Hammock, Good Weather For An Airstrike ou Dustin O'Halloran. L'obscurité est venue, puis repartie... reste à rebatir les ruines noyées. L'effort fourni ici ne sera sans doute qu'une infime partie de ce qui sera nécessaire, mais il n'en redonne pas moins la foi dans une action collective possible.