Audience of One, le dernier album en date de l'Australien Oren Ambarchi est un disque déroutant. A la première écoute, il est même décevant, avant qu'il ne parvienne à creuser son chemin dans la mémoire, là où viennent s'installer toutes les oeuvres qui, finalement, en valent la peine. Déroutant car Ambarchi y délaisse largement les textures filandreuses et si subtiles qui faisaient tout le charme de ses albums précédents pour Touch, Grapes from the Estate et In the Pendulum's Embrace, et qu'il y aborde des formes musicales variées et pas forcément compatibles. Parce que, au travail solitaire, il a préféré la collaboration, s'entourant de multiples partenaires qui apportent leur voix et leurs univers, parce qu'il présente comme une suite en quatre mouvements ce qui apparaît clairement comme quatre travaux distants. S'ouvrant par la pop ambient, faussement simpliste de « Salt » qui rappelle Sun, le projet parallèle d'Ambarchi en plus éthéré, Audience of One est ensuite clairement dominé par le mastodonte « Knots », plus de trente minutes qui agrègent lentement autour du battement emballé d'une cymbale des blocs de plus en plus impénétrables de grondements de basse, de claquements, de violoncelles, de cors, de drones et d'attaques noise, le tout se nouant et se dénouant sans cesse pour habiller les percussions folles de Joe Talia. C'est là, dans cette course effrénée sur la frontière, dans cet équilibre casse gueule que se situe le coeur noir de Audience of One, dans un titre d'une telle puissance qu'il faut le réécouter sans cesse pour en absorber l'essence. Après un tel choc, évidemment, le reste de l'album pâlit un peu, et même le magnifique et retenu « Passage », qui sous-tend de guitares délicates et de textures lumineuses la voix pâle de Jessika Kenney ne peut vraiment échapper à l'ombre projetée par « Knots ». Reste à la reprise du « Fractured Mirror » de Ace Frehley la charge de conclure l'album, ce que, il faut bien l'avouer elle échoue à faire vraiment, son minimalisme de façade cachant surtout une dream pop peu inspirée qui est le seul vrai point faible de l'album. En définitive, Audience of One ne peut pas, selon moi, être considéré comme l'oeuvre complète qu'Oren Ambarchi déclaire y voir, mais comme deux pièces distinctes, qui auraient clairement pu être séparées. D'un côté, les trois titres courts, encore très révélateurs de la face lumineuse du compositeur, de ses aspirations et de son passé pop, et de l'autre, « Knots » dont la force impressionnante ne justifie aucun compagnonnage, mais donne à Audience of One largement de quoi faire oublier ses quelques faiblesses.