Apparu en 2010 avec une double CD-R aux riches fragrances free-folk, Aloonaluna est passé de groupe à projet solo avec le déménagement de sa principale instigatrice, Lynn Fister vers la Californie. C'est donc sous une forme légèrement modifiée que s'effectue son retour avec une paire de cassettes publiées sur l'hypnotique label Hooker Vision. A l'instar des autres signatures de ce label créé, rappelons-le, par Grant et Rachel Evans (respectivement connus pour leurs projets Nova Scotian Arms et Motion Sickness of Time Travel), Aloonaluna évolue désormais dans un territoire noyé dans un épais brouillard lo-fi. Epuisé sous son format initial mais disponible depuis sur la page bandcamp d'Aloonaluna, Bunny est sans doute le plus symptomatique de cette esthétique mariant l'onirisme et la nostalgie à une bonne dose de bricolage. Ici, une voix blème et indistincte flirtant souvent avec la saturation flotte au dessus de nappes synthétiques, de presets cheap, de guitares délavées et dévorées par leur propre écho (« Seedling, wait to grow »), de sifflements enfantins, de rythmes bancals, et on a souvent l'impression que Bunny est en fait une cassette privée, quelque chose d'intime que son ancienne propriétaire aurait égarée et que l'on aurait retrouvé, abandonnée dans une flaque boueuse, ses signaux déformés pleins d'une vie qu'on ne parviendrait jamais tout à fait à identifier. Plus direct, Diadem or Halo ? apparaît également plus « propre » (même si ici une telle notion ne peut être que relative). Lynn Fister y pose sa voix sur des mélodies minimalistes à dominante électronique, et si l'expérimentation demeure présente dans la déstructuration lente de formats basiques (« Stardusted Stomach », «Galapagos »...) et dans l'usage des field recordings (« Calhoun Rain »), il n'est plus besoin de passer à travers l'écran des parasites pour en apprécier les subtilités, ce qui ne rend la musique d'Aloonaluna que plus hypnotique, Diadem or Halo ? offrant même, presque à son corps défendant, quelques vraies perles de dream-pop égarée (« Song for Krishna », « These Horses are solid White »). Une nouvelle voix vient de s'imposer aux côtés de celles de MSOTT ou Grouper, il est grand temps de l'écouter.
Depuis la mise en hibernation prolongée de Pan Sonic, le Finlandais Mika Vainio a fait feu de tout bois, explorant sur un nombre croissant de publications en solo un spectre musical de plus en plus étendu. Frôlant de près les climats industriels sur le EP Vandal, il s'empara ensuite des tropes du métal pour Life (… It eats you up), avant de revenir avec FE3O4 - Magnetite (rien à voir avec le FE2O3 de Mlada Fronta si ce n'est un goût commun pour les oxydes de fer) à des atmosphères plus proches de ses albums antérieurs. A l'aide de son attirail sonore habituel (oscilloscopes, radios...), d'effets minimalistes et de field recordings, Mika Vainio dessine avec FE3O4 – Magnetite les contours érodés de formes indistinctes évoluant entre des blocs de silence et des attaques sèches. Instables, pouvant s'effondrer à tout moment, les sept titres de l'album peuvent ainsi commencer de manière très minale pour s'orienter ensuite vers une noise râpeuse (« Magnetica », et plus encore « Magnetism » qui joue de la micro-coupure pour faire s'écrouler l'édifice), agréger un paysage de drones grisés (« Magnetosense »), insérer un sentiment d'inquiétude dans des résonances de bols tibétains (« Magnetosome ») dévorées par des captations de mélodies éraillées, ou opposer directement noise et silence dans un « Elvis's TV Room » qui passe sans le moindre signe avant-coureur de l'un à l'autre. Ardu, taiseux à l'image de son auteur, FE3O4 – Magnetite est un album qui ne cherche pas à faire de cadeaux à l'auditeur, semble se moquer comme d'une guigne de son éventuelle présence d'ailleurs. Il existe, c'est tout, dans un espace intermédiaire ouvert par Mika Vainio. Peu importe sous quel angle nous pouvons parvenir à l'apprivoiser, cela n'en diminuera en rien sa puissance.
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December 2013
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