Après le bois, l’eau, le vent : la ville. Pour son nouvel album, enregistré dans le cadre d’une résidence, le Suédois BJ Nilsen s’empare du concept de dérive cher aux situationnistes, pour livrer un portrait sonore de Londres, à travers les oreilles d’un étranger. Sans plan précis, sans itinéraire, et surtout sans méthodologie particulière, Nilsen a ainsi passé plusieurs jours et nuits à marcher sans but dans la capitale britannique, enregistrant tout ce qui lui semblait significatif, tout ce qui pouvait constituer, sans même qu’un londonien s’en rende compte, les spécificités de sa ville. Mais Nilsen n’est pas pour autant un puriste du field recording, et ses enregistrements n’ont pas valeur de document et constituent, au contraire, le matériau d’une reconstruction, purement mentale, de l’expérience vécue alors. Au fil d’Eye of the Microphone, on croisera donc beaucoup d’eau, l’omniprésence de la Tamise rendant celle-ci inévitable, des habitants, dont les voix indistinctes apparaissent comme égarées dans un brouillard sonore, des drones à l’origine inconnue, des oiseaux, des moteurs divers, le tout finement réagencé en un hommage à cet environnement urbain si familier que l’on ne l’entend plus, mais qui retrouve ici tout son potentiel d’émerveillement et de surprise. D’abord pleinement immergé dans la cacophonie urbaine (« Londinium »), BJ Nilsen zoome ensuite sur des ambiances plus posées, méditatives (« Coin and Bones »), avant de s’en échapper complètement, observant la ville de loin, d’un parc près d’ un étang dans la Lee Valley, où Londres parait bien loin au milieu des canards, du clapotis de l’eau et d’un vélo qui passe (« Twenty four seven »), la présence de la civilisation simplement trahie par l’irruption d’un avion ou de rares véhicules motorisés. A l’instar d’un Iain Sinclair, dont on retrouve ici de nombreux échos à son monumental London Orbital ou d’un Peter Ackroyd, BJ Nilsen réinvente notre rapport à la ville, nous force à écouter différemment notre environnement urbain, qu’il s’agisse de Londres ou d’une autre mégapole, nous invite à entamer nous même une dérive propre au surgissement du merveilleux dans le quotidien.
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December 2013
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