Omniprésent depuis quelques mois à travers ses différents projets, Philippe Petit n'entend pas céder un pouce de terrain, et quelques semaines à peine après la sortie du nouvel album de son projet Strings of Consciousness, le voilà qui revient occuper nos platines avec pas moins de quatre nouveaux CD, aussi dissemblables qu'indispensables. On commencera donc notre voyage par Fire Walking to Wonderland, le second volet de sa trilogie Extraordinary Tales of a Lemon Girl. Alors qu'on avait laissé la Lemon Girl dans l'expectative à l'issue de Oneiric Rings on Grey Velvet, au bord d'un abîme qui semblait l'attirer malgré elle, Philippe Petit l'y fait tomber pour de bon cette fois-ci, et hélas pour elle la descente n'est pas de tout repos. Là où son prédécesseur négociait des accalmies, des refuges oniriques à son héroïne, Fire Walking to Wonderland est tout en menace frontale, en climats dissonants, et en cordes distordues qui l'enserrent et l'entrainent toujours plus loin dans les profondeurs de ce qui apparaît bien plus comme un monde de cauchemars que comme un pays des merveilles. Plus proche ici de la musique nouvelle que des soundtracks qui sous-tendaient Oneiric Rings on Grey Velvet, Philippe Petit ajoute une nouvelle barbelure incandescente à son arc. Largement plus tendre dans son hommage à sa fille Eugénie (heureusement pour elle), Philippe Petit n'en fait pas pour autant dans le rose bonbon. Eugenie regorge de chausse trappes, heureusement ici compensées par des sonorités douces de violons et de violoncelles émergeant de blocs de bruit pour mieux se noyer ailleurs dans des craquements sinistres . Avec Eugénie, Philippe Petit signe son Sinking of the Titanic version bateau en plastique dans un aquarium. Décidément tout sauf une berceuse ! C'est du côté de la brutalité qu'on retrouve Philippe Petit sur Una Symphonia della Paura, un album né d'une collaboration avec Justin Broadrick, un « Murmurs » massif et d'une lenteur oppressante (on pense à un Mater Suspiria Vision qui aurait croisé Sunn O))) en chemin) qui ouvre le pas à des torrents noirs et hantés. Assauts noise, percussions tribales captées à travers des tonnes de souffle, picots électriques, Una Symphonia della Paura met tous les compteurs dans le rouge, et si les constructions subtiles de morceaux dont Philippe Petit est coutumier sont ici noyées dans la masse, c'est au profit d'une redoutable efficacité, de l'avancée inéluctable d'un bloc massif et rugueux, bardé d'aspérités comme une arme inconnue. Enfin, sous son identité de Philippe Petit & Friends (les amis nouveaux venus comptant entre autres Nils Frahm, Rob Ellis, Aidan Baker, James Johnston (Gallon Drunk), Richard Harrison (Spaceheads), Reihold Friedl (Zeitkratzer) ou Adrian Klumpes), on le retrouve une dernière fois avec Cordophony, un album polychrome qui mêle finesse néoclassique (« Eunoïa ») et coloration folk hérissée de dissonances (« The Sunflower who does not like to turn to the Sun »), pièces pour piano d'avant-garde (« The Modern Dance for the advanced in Age »), hommage à la tradition musicale (« Merlin's Music box » étant présenté comme un hommage à Janacek), bande originale crispante (« Oneiromancy ») et même une berceuse cauchemardesque (« Lullaby »). Complexe et fascinant de bout en bout, Cordophony est une aventure sonore hors normes comme on n'en découvre que trop peu. Raison de plus pour ne pas la laisser passer !
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December 2013
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