S’il a toujours été prolifique, au point qu’il est parfois difficile de suivre l’ensemble de sa production, Will Long n’a sans doute jamais été aussi présent que depuis qu’il a choisi de diffuser principalement sa production sur Bandcamp, ce qui n’empêche pas des collaborations diverses avec quelques labels, mais lui permet de publier plusieurs albums et EP par mois, sans contrainte de format ou de durée, offrant même régulièrement des créations à prix libre. Le mois dernier nous offre ainsi pas moins de cinq nouvelles sorties, un chiffre qui double si l’on remonte jusqu’à la rentrée. Et si toutes ces sorties partagent de nombreux points communs, un univers propre à Celer que l’on retrouve en permanence, elles ne s’en révèlent pas moins très différentes et toutes, chacune à leur manière, aussi importantes dans la discographie pléthorique de Will Long. Ainsi, Nothing will change, composé d’une longue piste unique de plus de quarante minutes, appartient-il au versant le plus lumineux de l’œuvre de Celer, celui qui s’exprime le plus depuis son installation au Japon et sa réinvention en projet solo. Une nappe diaphane s’y déploie lentement, trouvant dans sa répétitivité le moyen de s’élever toujours plus, traversant au passage quelques doux nuages de drones. Plus sombre, plus habité sans doute, No Sleep in Medan convoque pour sa part le flottement indistinct d’une nuit d’insomnie. Plusieurs couches de drones se chevauchent et se frottent en échardes sonores. On n’y trouvera sans doute pas le sommeil, mais une petite demi-heure plus dérangeante qu’il n’y paraissait au premier abord. Enregistré en 2008 et retrouvé sur une clé USB, Gotha appartient déjà à une autre vie pour Celer, une période de sentiments conflictuels où la noirceur et la lumière s’affrontaient plus souvent qu’elles ne s’épousaient, et ses cinq titres témoignent de ce conflit. On y voyage de drones sombres en échappées lumineuses, d’échos de cavernes en accumulations quasi bruitistes. A l’inverse de Gotha, Celer nous offre Equinox, un album composé à l’occasion d’une installation et qui, partant d’un titre d’ambient serein proposé dans une première salle, le réduit à sa plus simple expression dans des variations bien plus longues (atteignant parfois les deux heures) en isolant ici une nappe, ici un drone, ici une vibration, avant que tous ces éléments ne fusionnent à nouveau dans une composition de près de trois heures qui clôt l’exposition. Difficile à appréhender dans sa totalité du fait de sa longueur (plus de huit heures) et de l’absence du lieu qui l’a vu naitre et dans lequel il s’inscrivait, Equinox n’en est pas moins un beau témoignage d’une œuvre hybride et nous offre tout de même une magnifique composition avec son dernier titre, “Equinox (Steady Pool)”, qui se déploie avec une lenteur et une sérénité proprement hypnotisante. Pourtant, c’est dans la forme courte que Celer nous offre ce mois-ci sa plus belle réalisation, avec The Girl at the Gas Station, bande originale du film Das Mädchen an der Tankstelle de Karin S., basé sur une interprétation d’un texte de Knut Hamsun. Ici, tout ce qui fait la beauté de Celer s’y exprime dans des titres tantôt ambient, tantôt répétitifs et hachés, magnifiés sans doute encore par leur densité. Composé tout entier d'ambiances nocturnes riche en images, cette partition pour un film qu'on ne verra sans doute jamais est proprement irrésistible. Ne reste plus qu’à fermer les yeux pour y surimposer nos propres images.
celer.bandcamp.com
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