Philippe Petit : de l'autre côté du miroir par Jean-François Micard
Pour qui s’intéresse un tant soit peu au monde des musiques expérimentales, le nom de Philippe Petit, ou tout du moins son œuvre, ne peut être inconnu. Actif depuis une trentaine d’années dans différents contextes, on lui doit, vers le milieu des années 90 et son label Pandemonium Records, la découverte d’une frange déviante du rock (Hint, Portobello Bones, Condense… pour les nationaux, mais aussi Zeni Geva, Unsane, Spaceheads à l’international), puis quelques années plus tard, avec la mise en place de Bip_Hop, le défrichage d’autres couleurs sonores, plus électroniques et expérimentales, où l’on retrouva, entre autres, Janek Schaefer, Scanner, Tennis ou si-cut.db, ainsi que les indispensables compilations Bip-Hop Generations qui contribuèrent largement à dessiner le paysage actuel des musiques électroniques. Animateur radio, DJ, Philippe Petit est également musicien, et après avoir mis un terme à son activité de découvreur de disques, c’est sous cette facette de son identité qu’il se manifeste principalement depuis trois ans, avec une activité aussi polychrome que pléthorique, que ce soit en solo ou en groupe avec le collectif Philippe Petit & Friends ou avec Strings of Consciousness. Une actualité foisonnante sur laquelle nous tentons ici de faire le point.
Tu te définis toi même comme un « agent de voyage musical » qu'entends-tu par là ? As-tu vocation à nous faire voyager ?
Philippe Petit : Je privilégie le récit, l'envie de raconter une histoire sans avoir la prétention de fournir toutes les clés-images. Je marque un début et une fin, puis tente juste de développer les atmosphères telles que je les ressens et c’est pourquoi je me définis comme un « agent de voyage musical » qui emmène l’auditeur dans son monde, en espérant qu’il y soit bien.
Ta palette sonore est des plus étendues, puisqu'elle va de l'instrument médiéval électrifié au laptop en passant des platines, des guitares bricolées et des objets du quotidien. Qu'est-ce qui t'a guidé dans le choix des instruments ? Comment les combines-tu ?
Avant toute chose j'aime être surpris, donc si un son autour de moi m'interpelle il aura sa place dans mon univers. En art j'aime beaucoup le concept du readymade de Duchamp et donc le fait que tout peut être musique me parait évident. Je n'applique aucune recette et souhaite simplement me renouveler, élargir ma palette instrumentale et par là-même mes musiques.
Tes deux instruments qui reviennent le plus souvent, le psalterion et le cymbalon sont tout de même inhabituels dans le contexte des musiques actuelles...
C'est vrai et voila une très bonne raison de les utiliser, non?
Tu sembles travailler beaucoup sous influences, il y a beaucoup de références à d'autres artistes, pas forcément musicaux d'ailleurs, dans ton travail, comme Gustav Mahler, David Lynch ou Shinya Tsukamoto. Comment te situes-tu par rapport à eux ?
Eux sont des génies... Et c'est pourquoi je les cite, j'aime partager mes passions. Tu sais ça a toujours été mon principal moteur et la raison pour laquelle je fais des émissions radio et le DJ depuis 1983, puis mes labels dès les années 90, je souhaite faire découvrir aux autres les musiques que j'aime. De fait même si aujourd'hui je privilégie mes musiques je ne vais pas me priver de faire des clins d'œil...
Tu travailles actuellement sur une trilogie, Extraordinary Tales of a Lemon Girl, dont le dernier volume paraitra cet automne, et qui présente une bande son finalement assez narrative d'un «au delà du miroir » qui fait penser à Lewis Carroll. C'était une des références du projet ?
J'ai fait référence aux récits et odyssées de Homère, James Joyce et Lewis Carroll mais j'aurais tout aussi bien pu ajouter Jonathan Swift relatant les voyages de Gulliver ou Daniel Defoe pour son Robinson Crusoé puisque mon idée était de créer un personnage, mais surtout je trouvais que "Extraordinary Tales of a Lemon Girl" est un titre poétique qui sonne bien. Après, ce n'est pas à moi de totalement "raconter l'histoire", je préfère espérer que ce qu'entendront les auditeurs leur évoquera des sensations. Les titres parlent d'eux-mêmes je trouve Oneiric Rings On Grey Velvet, Fire-walking To Wonderland, Hitch-hiking Thru Bronze Mirrors, et en plus j'ai été très bavard en imprimant un poème:
Sweet cosmic Lemon Girl
Firewalking in your night
Dream growing on grey velvet
Her fortress is a bronze mirror
From her tree hang an apple
But she's not for you to eat.
No escape from her heart.
Die your Lemon paradise
Qu'est ce qui t'a poussé à te lancer dans cette trilogie ?
Le récit « The Extraordinary Tales Of A Lemon Girl » se décompose en trois volets puisque chacun des albums propose une atmosphère différente mais formant un tout indissociable. J’ai commencé le premier chapitre, Oneiric Rings On Grey Velvet il y a trois ans, après avoir repris la première symphonie de Mahler, (Off To Titan : A Rework Of Gustav Mahler’s Symphonic Poem paru chez Karl Rds) donc mon envie était de rester très orchestral mais à la différence de mon travail autour du « Titan » je tenais à jouer les parties moi-même et ensuite les traiter. Composer une BO à la manière d’une œuvre symphonique nécessite du recul, donc en parallèle je bossais sur d’autres pièces, ce qui me permettait de m’aérer, tout en m’occupant l’esprit, et de mois en mois je revenais à Oneiric Rings On Grey Velvet qui gagnait en maturité. En fait un tout prenait forme puisque ces pièces, de façon plus ou moins consciente, se complétaient. Comme souvent lorsqu’un travail s’approche de sa forme finale j’ai réalisé cet été alors que je complétais le dernier morceau, l’intérêt de développer l’histoire en trois chapitres, à la manière d’une œuvre littéraire, qui montreraient bien mon envie de ne pas faire des albums qui se suivent et se ressemblent, tout en sachant garder une unité dans l’atmosphère, le récit. Comme je travaille sur le format disque depuis plus de vingt ans je pense aussi beaucoup à l’objet et aux auditeurs potentiels, que je considère tout autant passionnés de musique que je le suis, et de fait j’attache beaucoup d’importance à faire de beaux disques qui nous contentent musicalement et visuellement. Donc très vite ma « déformation professionnelle » me fait concevoir mon propos de façon complète et l’histoire se développe en fonction, en l’occurrence pouvoir sortir les trois chapitres dans un coffret et ainsi me démarquer grâce à un superbe objet me semblait approprié.
Tu te définis toi même comme un « agent de voyage musical » qu'entends-tu par là ? As-tu vocation à nous faire voyager ?
Philippe Petit : Je privilégie le récit, l'envie de raconter une histoire sans avoir la prétention de fournir toutes les clés-images. Je marque un début et une fin, puis tente juste de développer les atmosphères telles que je les ressens et c’est pourquoi je me définis comme un « agent de voyage musical » qui emmène l’auditeur dans son monde, en espérant qu’il y soit bien.
Ta palette sonore est des plus étendues, puisqu'elle va de l'instrument médiéval électrifié au laptop en passant des platines, des guitares bricolées et des objets du quotidien. Qu'est-ce qui t'a guidé dans le choix des instruments ? Comment les combines-tu ?
Avant toute chose j'aime être surpris, donc si un son autour de moi m'interpelle il aura sa place dans mon univers. En art j'aime beaucoup le concept du readymade de Duchamp et donc le fait que tout peut être musique me parait évident. Je n'applique aucune recette et souhaite simplement me renouveler, élargir ma palette instrumentale et par là-même mes musiques.
Tes deux instruments qui reviennent le plus souvent, le psalterion et le cymbalon sont tout de même inhabituels dans le contexte des musiques actuelles...
C'est vrai et voila une très bonne raison de les utiliser, non?
Tu sembles travailler beaucoup sous influences, il y a beaucoup de références à d'autres artistes, pas forcément musicaux d'ailleurs, dans ton travail, comme Gustav Mahler, David Lynch ou Shinya Tsukamoto. Comment te situes-tu par rapport à eux ?
Eux sont des génies... Et c'est pourquoi je les cite, j'aime partager mes passions. Tu sais ça a toujours été mon principal moteur et la raison pour laquelle je fais des émissions radio et le DJ depuis 1983, puis mes labels dès les années 90, je souhaite faire découvrir aux autres les musiques que j'aime. De fait même si aujourd'hui je privilégie mes musiques je ne vais pas me priver de faire des clins d'œil...
Tu travailles actuellement sur une trilogie, Extraordinary Tales of a Lemon Girl, dont le dernier volume paraitra cet automne, et qui présente une bande son finalement assez narrative d'un «au delà du miroir » qui fait penser à Lewis Carroll. C'était une des références du projet ?
J'ai fait référence aux récits et odyssées de Homère, James Joyce et Lewis Carroll mais j'aurais tout aussi bien pu ajouter Jonathan Swift relatant les voyages de Gulliver ou Daniel Defoe pour son Robinson Crusoé puisque mon idée était de créer un personnage, mais surtout je trouvais que "Extraordinary Tales of a Lemon Girl" est un titre poétique qui sonne bien. Après, ce n'est pas à moi de totalement "raconter l'histoire", je préfère espérer que ce qu'entendront les auditeurs leur évoquera des sensations. Les titres parlent d'eux-mêmes je trouve Oneiric Rings On Grey Velvet, Fire-walking To Wonderland, Hitch-hiking Thru Bronze Mirrors, et en plus j'ai été très bavard en imprimant un poème:
Sweet cosmic Lemon Girl
Firewalking in your night
Dream growing on grey velvet
Her fortress is a bronze mirror
From her tree hang an apple
But she's not for you to eat.
No escape from her heart.
Die your Lemon paradise
Qu'est ce qui t'a poussé à te lancer dans cette trilogie ?
Le récit « The Extraordinary Tales Of A Lemon Girl » se décompose en trois volets puisque chacun des albums propose une atmosphère différente mais formant un tout indissociable. J’ai commencé le premier chapitre, Oneiric Rings On Grey Velvet il y a trois ans, après avoir repris la première symphonie de Mahler, (Off To Titan : A Rework Of Gustav Mahler’s Symphonic Poem paru chez Karl Rds) donc mon envie était de rester très orchestral mais à la différence de mon travail autour du « Titan » je tenais à jouer les parties moi-même et ensuite les traiter. Composer une BO à la manière d’une œuvre symphonique nécessite du recul, donc en parallèle je bossais sur d’autres pièces, ce qui me permettait de m’aérer, tout en m’occupant l’esprit, et de mois en mois je revenais à Oneiric Rings On Grey Velvet qui gagnait en maturité. En fait un tout prenait forme puisque ces pièces, de façon plus ou moins consciente, se complétaient. Comme souvent lorsqu’un travail s’approche de sa forme finale j’ai réalisé cet été alors que je complétais le dernier morceau, l’intérêt de développer l’histoire en trois chapitres, à la manière d’une œuvre littéraire, qui montreraient bien mon envie de ne pas faire des albums qui se suivent et se ressemblent, tout en sachant garder une unité dans l’atmosphère, le récit. Comme je travaille sur le format disque depuis plus de vingt ans je pense aussi beaucoup à l’objet et aux auditeurs potentiels, que je considère tout autant passionnés de musique que je le suis, et de fait j’attache beaucoup d’importance à faire de beaux disques qui nous contentent musicalement et visuellement. Donc très vite ma « déformation professionnelle » me fait concevoir mon propos de façon complète et l’histoire se développe en fonction, en l’occurrence pouvoir sortir les trois chapitres dans un coffret et ainsi me démarquer grâce à un superbe objet me semblait approprié.
C'est une véritable musique de film sans images que tu nous proposes. As-tu pensé l'histoire comme un réalisateur ou comme une composition plus habituelle ?
Au départ s'impose l'idée, donc une fois lancé tout se met en place dans mon esprit, la trame, le scénario et je travaille plus en pensant au son qu'aux images, donc on peut je suppose parler de composition musicale, même si je trouve prétentieux de me baptiser compositeur, mais il est vrai que je crée de la musique. Dans les milieux institutionnalisés, de "musique savante" tu rencontres tellement de gens à qui on a appris à se vendre comme des compositeurs même s'ils ne griffonnent que quelques notes sur une partition... C'est un peu comme dans les arts plastiques, où brasser beaucoup de vent semble être un efficace moyen de convaincre les financeurs et un certain public plus intéressé par le paraître que par le fait d’avoir du talent, même si, heureusement, tous ne raisonnent pas de la sorte.
Le premier volet était très riche en ambiances oniriques et menaçantes, le second est plus violent et noir... on sent que la situation s'aggrave pour la Lemon Girl. Je suppose que tout ça finira mal pour elle ?
Le troisième chapitre Hitch-Hiking Thru Bronze Mirrors sera encore différent, plus aéré, multipliant les instruments et humeurs, un peu à la manière du premier trente trois tours. de Moondog, que j’adore, donc en fait cela finira plutôt bien, enfin à ma façon car je remarque que bien des choses qui me paraissent tout à fait accessibles, écoutables ne le sont pas pour la plupart des gens.
Parallèlement, tu viens de sortir un disque très doux en hommage à ta fille, un autre plus proche d'atmosphères néoclassiques et un autre très noir et noise/metal. Cette variété te semble t-elle nécessaire ? Il n'y a pas à proprement parler de « son » Philippe Petit...
Mon envie est d’emmener l'auditeur dans mon monde en espérant qu’il y passe un bon moment. Le style des chemins empruntés m’importe peu tant qu’il reste surprenant, du tout acoustique au purement électronique, du bruyant au silence, pour moi un bon compositeur sait surprendre et ne pas s'enfermer dans un genre, et quel que soit l'exercice choisi, son disque doit se révéler au fil des écoutes, à chaque passage tu dois y faire de nouvelles rencontres et ainsi la route en devient attachante et pas monotone. La cohésion ne réside pas essentiellement dans le genre musical, les compositeurs qui me touchent sont ceux qui ont su se renouveler et ne pas rester confinés dans un style bien précis, répondant à l’attente commerciale de leurs fans. J’aime ceux qui se remettent en question, prennent le risque de juxtaposer les influences, accidenter les genres, en fait pour moi la cohésion réside dans le fait de savoir être soi-même et s’il y a bien une chose dont je puisse être certain c’est de faire des mises-en-son qui reflètent ce que je suis à un moment donné et développent mes histoires, donc cette œuvre trouve toute sa cohérence.
Il y a énormément de collaborations dans ton travail. Est-ce une pratique que tu affectionnes particulièrement ?
Leur talent me fait rebondir, m’apprend beaucoup. Pour un autodidacte comme moi la meilleure façon d’aller de l’avant reste la collaboration, et je vois plus cela comme un partage, comme dans la vie : la meilleure façon de t’épanouir est de regarder vers les autres.
Comment se retrouve t-on à enregistrer avec Lydia Lunch, Cindytalk, Cosey Fanni Tutti, Black Sifichi ou Graham Lewis ?
Au fil des ans j'ai pu tisser des liens avec énormément de musiciens, labels, et autres activistes musicaux puisque nous nous retrouvons dans notre passion commune pour les musiques hors normes, donc ça m'aide beaucoup. Cela dit tous mes "amis-collaborateurs"n’ont pas besoin de moi, qu’ils bossent avec moi ou non leur carrière n’en sera ni amoindrie ni améliorée. D’où l’importance de tisser ses réseaux des années durant en restant humain, c’est à dire un maillon de la chaine indépendante, un relais qui aide tant qu’il peut à faire entendre leur musique et ainsi favorise les amitiés.
Mais surtout il faut qu’ils aiment tes musiques, car ces personnes ne vont pas s’associer avec quelque chose qui leur est étranger ou va dénaturer leur image.
Dans le cadre de ces collaborations, as-tu une idée du morceau avant qu'elle se mette en place (et les choisis-tu pour cela) ou sont-ce les circonstances de la collaboration qui t'imposent le morceau ?
Quel que soit le projet, solo ou en collaboration, je suis une inspiration et vois où elle m’emmène au fil du temps. Parfois je trouve pertinent de tout dire par moi-même… Et d’autres fois je vais demander à des proches de venir enrichir mes possibilités. Si c'est le cas, alors oui, je pense très précisément à un instrument qui pourrait s'exprimer à tel ou tel moment du morceau et à quel musicien j'aimerai demander de jouer la partie.
Entre Philippe Petit & Friends et Strings of Consciousness, le line-up semble assez perméable. Comment détermines-tu à quelle entité appartient un titre ?
Pour Strings Of Consciousness je boucle la trilogie de collaborations avec des vocalistes et donc les titres destinés à être chantés sont pour ce projet.
Strings of Consciousness est sans doute ton projet le plus ouvert, musicalement, et son nom joue sur le sens du "flux de conscience", de l'écriture automatique. Y a t'il une dimension improvisée dans le projet ?
Strings of Consciousness reste très composé, la dimension improvisée prend forme sur scène mais nous ne jouons que fort rarement, trop peu pour que l'on puisse encore parler d'un groupe qui existe...
L'équivalent le plus évident de ton travail est celui que peut mener J.G Thirlwell avec Manorexia ou Steroid Maximus. Est-il lui aussi une influence dans ton travail ?
Cette comparaison me touche puisque Jim est pour moi l'un des meilleurs compositeurs modernes, parti du punk et de l’indus il a su sortir de ces images restrictives pour aujourd'hui composer pour le Kronos Quartet. et créer des bandes son magnifiques. Nous nous connaissons et avons collaboré puisque de lui est d'ailleurs partie mon envie de faire intervenir des chanteurs dans Strings Of Consciousness. Il avait à l'époque adoré "Asphodel", qui débute le premier album Our Moon Is Full, et accepté de le chanter, du coup j'ai décidé que d'autres voix devaient se joindre à nous.
Tu vas prochainement travailler avec l'Ensemble Musiques Nouvelles et l'European Contemporary Orchestra qui sont des formations plus ancrées dans la musique « savante ». En tant que musicien venu du rock et sans formation classique, comment s'intègre t-on à de tels ensembles ?
C'est comme un rêve qui devient réalité, après avoir assisté à tellement de concerts de musique contemporaine en me disant que peut-être un jour j'aurais la chance d'être sur scène... Je me retrouve entouré de trente trois solistes tous plus excellents les uns que les autres, et j'ai le sentiment que justement c'est le fait de n'avoir aucune formation, aucune barrière qui fait que je puisse me joindre à eux. E.C.O. est la réunion de Musiques Nouvelles de Mons, Télémaque de Marseille et Das Eprijt d'Amsterdam. Musiques Nouvelles à collaboré au cours de ses cinquante années d'existence avec des sommités telles que Henri Pousseur, Ryoji Ikeda, David Shea, Murcof... Donc lorsque Jean-Paul Dessy, son directeur s'est montré intéressé par mon travail j'ai été très flatté et bien entendu ravi de relever ce défi.
Je vais voir des représentations de l'Ensemble Télémaque depuis les années 90 et ils m'ont fait découvrir pas mal de compositeurs grâce à leur série "Télémaque en portrait", où de façon très pédagogique ils livraient les clefs de l'œuvre d'un compositeur choisi tout en joignant le geste musical à l'explication. Enfin ces musiques étaient mises à la portée des profanes, donc c'est également un plaisir que de les côtoyer. Cette rencontre a aussi permis un rapprochement avec un des compositeurs de l'E.C.O.: Pierre-Adrien Charpy, également enseignant au conservatoire et excellent organiste, qui fait montre d'une curiosité et d'une ouverture d'esprit qui me touchent et nous continuerons à travailler ensemble sur divers projets.
Depuis quelques années, tu as délaissé tes activités de label manager au profit de la composition. Cela ne te manque pas, de publier d'autres artistes ?
Durant des années j’étais heureux du rôle que je jouais puisque il y avait des tonnes de musiciens mais que nous n’étions finalement que trop peu à les aider à mieux faire connaître leur art. En vingt-cinq ans j’ai publié des fanzines, pigé dans une cinquantaine de magazines de tous pays, « tour-managé » des groupes dans toute l’Europe, fait des émissions pour une bonne vingtaine de radios, mis les disques dans des dizaines de boites, joué en DJ expérimental dans presque tous les pays, édité une centaine de disques sur mes labels Pandemonium et BiP_HOp… J’avais un peu l’impression d’avoir fait le tour de la question et surtout mes confrères patrons de labels passaient leur temps à récriminer contre le piratage et je ne retrouvais plus la passion qui animait nos scènes lorsque j’ai commencé à m’y engager. Il est important de garder en tête que nous sommes privilégiés de pouvoir nous lever chaque matin pour faire ce que nous aimons le plus.
Bref, après vingt cinq années au service de la musique d’autrui, et ne voulant surtout pas considérer cette activité juste comme un business, j’ai eu envie de privilégier les miennes et envisager mon action sous un autre angle. Je ne regrette rien, et en plus le magazine portugais Antibothis qui traite de musiques déviantes et me fait souvent penser à feu « Re :Search » dans son attitude et sa pertinence, m’a confié la mission de rassembler les artistes à figurer sur la compilation donnée avec leur prochain numéro. Du coup je retrouve en ce moment le frisson d'aller chercher d'autres artistes talentueux.
Comme tu es très actif en ce moment, peux-tu nous en dire plus sur tes disques à paraître d'ici la fin de l'année ?
Fire-walking To Wonderland arrive le 26 Juin, le troisième volet Hitch-hiking Thru Bronze Mirrors suivra en Octobre. Les trois sont d’ores et déjà disponibles dans un luxueux coffret triple vinyle contenant des inserts signés par les artistes responsables des couvertures, en édition limitée numérotée, chez Aagoo. Il y aura aussi Empires should burn avec ASVA chez Small Doses / Basses Fréquences en juillet. Je suis grand fan de ASVA qui à mon sens n'a rien à envier à Sunn o))) bien qu'on les cite moins en référence, et en plus Edward Ka-Spel de Legendary Pink Dots, et Jarboe chantent sur l'album et donc fort heureux de cette belle collaboration. Il y aura aussi en octobre Last Of The Dead Hot Lovers, le second volet de la trilogie avec l'énorme Eugene Robinson de Oxbow, ce coup-ci épaulé d'une chanteuse (Kasia Meow) pour un résultat détonnant et sexy. Je suis très heureux de rejoindre l'écurie Southern puisque je suis le label depuis les débuts de Crass... En novembre, chez Alrealon Musique, mon picture disc Needles In Pain, un enregistrement live où je jouais de quatre platines qui date de 2007 mais reste toujours d'actualité, même si je n'utilise que peu les platines aujourd'hui... Là encore, je suis fier de paraître chez Alrealon Musique à nouveau car leur boulot est formidable, ils gèrent leur label pour promouvoir la musique des gens qu'ils aiment, ne négligent aucun effort et sont à mon avis promis à un bel avenir s'ils tiennent bon. L’année prochaine commencera avec Ti Dou Li Dum A Ti Dou Li Dou Ti Dé avec Simon Fisher Turner chez HelloSquare. Après pas mal de temps sortira enfin la collaboration avec ce metteur-en-son anglais dont j'apprécie le travail de longue date, et signé sur un super label Australien. Je travaille justement à y aller jouer pour annoncer la sortie... Mis à part cela, l’album en collaboration avec Murcof est terminé et nous allons le proposer, si tout va bien il paraîtra en 2013. Et puis, l'an prochain je fêterai 30 années d'activisme donc pas mal de choses se passeront j'espère...
http://www.philippepetit.info/
Chroniques :
Fire-Walking to Wonderland / Una Symphonia della Paura / Eugenie / Cordophony
Oneiric Rings on Grey Velvet
Strings of Consciousness : From Beyond Love
Au départ s'impose l'idée, donc une fois lancé tout se met en place dans mon esprit, la trame, le scénario et je travaille plus en pensant au son qu'aux images, donc on peut je suppose parler de composition musicale, même si je trouve prétentieux de me baptiser compositeur, mais il est vrai que je crée de la musique. Dans les milieux institutionnalisés, de "musique savante" tu rencontres tellement de gens à qui on a appris à se vendre comme des compositeurs même s'ils ne griffonnent que quelques notes sur une partition... C'est un peu comme dans les arts plastiques, où brasser beaucoup de vent semble être un efficace moyen de convaincre les financeurs et un certain public plus intéressé par le paraître que par le fait d’avoir du talent, même si, heureusement, tous ne raisonnent pas de la sorte.
Le premier volet était très riche en ambiances oniriques et menaçantes, le second est plus violent et noir... on sent que la situation s'aggrave pour la Lemon Girl. Je suppose que tout ça finira mal pour elle ?
Le troisième chapitre Hitch-Hiking Thru Bronze Mirrors sera encore différent, plus aéré, multipliant les instruments et humeurs, un peu à la manière du premier trente trois tours. de Moondog, que j’adore, donc en fait cela finira plutôt bien, enfin à ma façon car je remarque que bien des choses qui me paraissent tout à fait accessibles, écoutables ne le sont pas pour la plupart des gens.
Parallèlement, tu viens de sortir un disque très doux en hommage à ta fille, un autre plus proche d'atmosphères néoclassiques et un autre très noir et noise/metal. Cette variété te semble t-elle nécessaire ? Il n'y a pas à proprement parler de « son » Philippe Petit...
Mon envie est d’emmener l'auditeur dans mon monde en espérant qu’il y passe un bon moment. Le style des chemins empruntés m’importe peu tant qu’il reste surprenant, du tout acoustique au purement électronique, du bruyant au silence, pour moi un bon compositeur sait surprendre et ne pas s'enfermer dans un genre, et quel que soit l'exercice choisi, son disque doit se révéler au fil des écoutes, à chaque passage tu dois y faire de nouvelles rencontres et ainsi la route en devient attachante et pas monotone. La cohésion ne réside pas essentiellement dans le genre musical, les compositeurs qui me touchent sont ceux qui ont su se renouveler et ne pas rester confinés dans un style bien précis, répondant à l’attente commerciale de leurs fans. J’aime ceux qui se remettent en question, prennent le risque de juxtaposer les influences, accidenter les genres, en fait pour moi la cohésion réside dans le fait de savoir être soi-même et s’il y a bien une chose dont je puisse être certain c’est de faire des mises-en-son qui reflètent ce que je suis à un moment donné et développent mes histoires, donc cette œuvre trouve toute sa cohérence.
Il y a énormément de collaborations dans ton travail. Est-ce une pratique que tu affectionnes particulièrement ?
Leur talent me fait rebondir, m’apprend beaucoup. Pour un autodidacte comme moi la meilleure façon d’aller de l’avant reste la collaboration, et je vois plus cela comme un partage, comme dans la vie : la meilleure façon de t’épanouir est de regarder vers les autres.
Comment se retrouve t-on à enregistrer avec Lydia Lunch, Cindytalk, Cosey Fanni Tutti, Black Sifichi ou Graham Lewis ?
Au fil des ans j'ai pu tisser des liens avec énormément de musiciens, labels, et autres activistes musicaux puisque nous nous retrouvons dans notre passion commune pour les musiques hors normes, donc ça m'aide beaucoup. Cela dit tous mes "amis-collaborateurs"n’ont pas besoin de moi, qu’ils bossent avec moi ou non leur carrière n’en sera ni amoindrie ni améliorée. D’où l’importance de tisser ses réseaux des années durant en restant humain, c’est à dire un maillon de la chaine indépendante, un relais qui aide tant qu’il peut à faire entendre leur musique et ainsi favorise les amitiés.
Mais surtout il faut qu’ils aiment tes musiques, car ces personnes ne vont pas s’associer avec quelque chose qui leur est étranger ou va dénaturer leur image.
Dans le cadre de ces collaborations, as-tu une idée du morceau avant qu'elle se mette en place (et les choisis-tu pour cela) ou sont-ce les circonstances de la collaboration qui t'imposent le morceau ?
Quel que soit le projet, solo ou en collaboration, je suis une inspiration et vois où elle m’emmène au fil du temps. Parfois je trouve pertinent de tout dire par moi-même… Et d’autres fois je vais demander à des proches de venir enrichir mes possibilités. Si c'est le cas, alors oui, je pense très précisément à un instrument qui pourrait s'exprimer à tel ou tel moment du morceau et à quel musicien j'aimerai demander de jouer la partie.
Entre Philippe Petit & Friends et Strings of Consciousness, le line-up semble assez perméable. Comment détermines-tu à quelle entité appartient un titre ?
Pour Strings Of Consciousness je boucle la trilogie de collaborations avec des vocalistes et donc les titres destinés à être chantés sont pour ce projet.
Strings of Consciousness est sans doute ton projet le plus ouvert, musicalement, et son nom joue sur le sens du "flux de conscience", de l'écriture automatique. Y a t'il une dimension improvisée dans le projet ?
Strings of Consciousness reste très composé, la dimension improvisée prend forme sur scène mais nous ne jouons que fort rarement, trop peu pour que l'on puisse encore parler d'un groupe qui existe...
L'équivalent le plus évident de ton travail est celui que peut mener J.G Thirlwell avec Manorexia ou Steroid Maximus. Est-il lui aussi une influence dans ton travail ?
Cette comparaison me touche puisque Jim est pour moi l'un des meilleurs compositeurs modernes, parti du punk et de l’indus il a su sortir de ces images restrictives pour aujourd'hui composer pour le Kronos Quartet. et créer des bandes son magnifiques. Nous nous connaissons et avons collaboré puisque de lui est d'ailleurs partie mon envie de faire intervenir des chanteurs dans Strings Of Consciousness. Il avait à l'époque adoré "Asphodel", qui débute le premier album Our Moon Is Full, et accepté de le chanter, du coup j'ai décidé que d'autres voix devaient se joindre à nous.
Tu vas prochainement travailler avec l'Ensemble Musiques Nouvelles et l'European Contemporary Orchestra qui sont des formations plus ancrées dans la musique « savante ». En tant que musicien venu du rock et sans formation classique, comment s'intègre t-on à de tels ensembles ?
C'est comme un rêve qui devient réalité, après avoir assisté à tellement de concerts de musique contemporaine en me disant que peut-être un jour j'aurais la chance d'être sur scène... Je me retrouve entouré de trente trois solistes tous plus excellents les uns que les autres, et j'ai le sentiment que justement c'est le fait de n'avoir aucune formation, aucune barrière qui fait que je puisse me joindre à eux. E.C.O. est la réunion de Musiques Nouvelles de Mons, Télémaque de Marseille et Das Eprijt d'Amsterdam. Musiques Nouvelles à collaboré au cours de ses cinquante années d'existence avec des sommités telles que Henri Pousseur, Ryoji Ikeda, David Shea, Murcof... Donc lorsque Jean-Paul Dessy, son directeur s'est montré intéressé par mon travail j'ai été très flatté et bien entendu ravi de relever ce défi.
Je vais voir des représentations de l'Ensemble Télémaque depuis les années 90 et ils m'ont fait découvrir pas mal de compositeurs grâce à leur série "Télémaque en portrait", où de façon très pédagogique ils livraient les clefs de l'œuvre d'un compositeur choisi tout en joignant le geste musical à l'explication. Enfin ces musiques étaient mises à la portée des profanes, donc c'est également un plaisir que de les côtoyer. Cette rencontre a aussi permis un rapprochement avec un des compositeurs de l'E.C.O.: Pierre-Adrien Charpy, également enseignant au conservatoire et excellent organiste, qui fait montre d'une curiosité et d'une ouverture d'esprit qui me touchent et nous continuerons à travailler ensemble sur divers projets.
Depuis quelques années, tu as délaissé tes activités de label manager au profit de la composition. Cela ne te manque pas, de publier d'autres artistes ?
Durant des années j’étais heureux du rôle que je jouais puisque il y avait des tonnes de musiciens mais que nous n’étions finalement que trop peu à les aider à mieux faire connaître leur art. En vingt-cinq ans j’ai publié des fanzines, pigé dans une cinquantaine de magazines de tous pays, « tour-managé » des groupes dans toute l’Europe, fait des émissions pour une bonne vingtaine de radios, mis les disques dans des dizaines de boites, joué en DJ expérimental dans presque tous les pays, édité une centaine de disques sur mes labels Pandemonium et BiP_HOp… J’avais un peu l’impression d’avoir fait le tour de la question et surtout mes confrères patrons de labels passaient leur temps à récriminer contre le piratage et je ne retrouvais plus la passion qui animait nos scènes lorsque j’ai commencé à m’y engager. Il est important de garder en tête que nous sommes privilégiés de pouvoir nous lever chaque matin pour faire ce que nous aimons le plus.
Bref, après vingt cinq années au service de la musique d’autrui, et ne voulant surtout pas considérer cette activité juste comme un business, j’ai eu envie de privilégier les miennes et envisager mon action sous un autre angle. Je ne regrette rien, et en plus le magazine portugais Antibothis qui traite de musiques déviantes et me fait souvent penser à feu « Re :Search » dans son attitude et sa pertinence, m’a confié la mission de rassembler les artistes à figurer sur la compilation donnée avec leur prochain numéro. Du coup je retrouve en ce moment le frisson d'aller chercher d'autres artistes talentueux.
Comme tu es très actif en ce moment, peux-tu nous en dire plus sur tes disques à paraître d'ici la fin de l'année ?
Fire-walking To Wonderland arrive le 26 Juin, le troisième volet Hitch-hiking Thru Bronze Mirrors suivra en Octobre. Les trois sont d’ores et déjà disponibles dans un luxueux coffret triple vinyle contenant des inserts signés par les artistes responsables des couvertures, en édition limitée numérotée, chez Aagoo. Il y aura aussi Empires should burn avec ASVA chez Small Doses / Basses Fréquences en juillet. Je suis grand fan de ASVA qui à mon sens n'a rien à envier à Sunn o))) bien qu'on les cite moins en référence, et en plus Edward Ka-Spel de Legendary Pink Dots, et Jarboe chantent sur l'album et donc fort heureux de cette belle collaboration. Il y aura aussi en octobre Last Of The Dead Hot Lovers, le second volet de la trilogie avec l'énorme Eugene Robinson de Oxbow, ce coup-ci épaulé d'une chanteuse (Kasia Meow) pour un résultat détonnant et sexy. Je suis très heureux de rejoindre l'écurie Southern puisque je suis le label depuis les débuts de Crass... En novembre, chez Alrealon Musique, mon picture disc Needles In Pain, un enregistrement live où je jouais de quatre platines qui date de 2007 mais reste toujours d'actualité, même si je n'utilise que peu les platines aujourd'hui... Là encore, je suis fier de paraître chez Alrealon Musique à nouveau car leur boulot est formidable, ils gèrent leur label pour promouvoir la musique des gens qu'ils aiment, ne négligent aucun effort et sont à mon avis promis à un bel avenir s'ils tiennent bon. L’année prochaine commencera avec Ti Dou Li Dum A Ti Dou Li Dou Ti Dé avec Simon Fisher Turner chez HelloSquare. Après pas mal de temps sortira enfin la collaboration avec ce metteur-en-son anglais dont j'apprécie le travail de longue date, et signé sur un super label Australien. Je travaille justement à y aller jouer pour annoncer la sortie... Mis à part cela, l’album en collaboration avec Murcof est terminé et nous allons le proposer, si tout va bien il paraîtra en 2013. Et puis, l'an prochain je fêterai 30 années d'activisme donc pas mal de choses se passeront j'espère...
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Chroniques :
Fire-Walking to Wonderland / Una Symphonia della Paura / Eugenie / Cordophony
Oneiric Rings on Grey Velvet
Strings of Consciousness : From Beyond Love