Sortant, à chaque nouvelle saison, des séries de mini CD-r, le label Taâlem crée des compagnonnages, chaque œuvre répondant à ses voisines immédiate autant qu’à la discographie de chaque artiste ou à celle du label. Mélangeant nouveaux venus, artistes confirmés et offrant même à certaines légendes un retour bienvenu, ces livraisons sont autant de points cardinaux dans une année musicale. Honneur aux nouveaux, ouvrons cette recension par Cendre Ogata, le projet de Christophe Debouit, dont c'est le premier enregistrement. Se penchant sur l’œuvre du philosophe et astronome Giordano Bruno, De Magia brosse en trois tableaux un paysage qui n’aurait pas déparé dans les enfers de Dante. Noire, tellurique, la musique de Cendre Ogata aborde les confins du dark ambient et du sound design à travers des vagues de sons massives et râpeuses, des agrégats de matière noire lézardés de cordes angoissantes. Effectivement magique ! Les cordes sont également au cœur de Mirage, projet conjoint de Bartosz Dziadosv (Pleq) et du violoniste Tomasz Mrenca, les deux artistes ayant déjà collaboré au sein de The Frozen Vaults. Dans cette piste unique de dix huit minutes, le violon de Mrenca prédomine, retraité par les machines de son comparse. Tour à tour joyeux et aérien (on pense alors à certains travaux de Max Richter), grinçant comme une b.o de film d’horreur, ou démembré, avalé par le mur sonore qui finit par tout laminer avant un retour au calme bienvenu, il apporte humanité et fantaisie à un titre à la progression impeccable, nouvelle preuve que le format 3” est sans doute celui qui convient le mieux aux constructions les plus ambitieuses de Dziadosv/Pleq. Plus “classique” au premier abord, Waïssad d’Internal Fusion est en définitive une excellente surprise. Outre le plaisir de retrouver enfin un artiste bien trop rare, il en révèle également une facette des plus inattendues. Pourtant, Internal Fusion nous place dès le début en terrain connu : voix rituelles, échos, percussions lointaines, tous les ingrédients habituels sont là, et ébauchent une cérémonie mystérieuse. Puis, à peine cinq minutes plus tard, tout se détraque. Les chants se taisent, ne laissant que l’essence du morceau, elle même absorbée peu de temps après par des sons typiques de la synthèse granulaire, comme recomposée en direct. Enfin, dans cette nouvelle donne sonore, les percussions réapparaissent, digitalisées, affolées, avant de laisser la place à une longue descente dans des abysses de glitch. Déstabilisant, Waïssad, dont on ne sait s’il constituera une nouvelle voie pour Internal Fusion ou une brève expérimentation, signe de vie fugace d’un artiste déjà prêt à retomber dans le silence, est en tous les cas une superbe fusion d’univers sonores.
taalem.bandcamp.com
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