Dès les premiers grondements de tonnerre lointain qui ouvrent Long Forgotten Days Under a Dust Covered Sky avant que n’apparaissent de fugaces beats liquides de techno-dub noyés dans le souffle, on sait que les souvenirs, pas si oubliés que cela, que nous invite à parcourir Nils Quak n’auront pas la nostalgie sereine des images d’enfance. Et si les vagues ambient sont bien présentes, elles résonnent dans un espace saturé de distorsion, de grain épais et de drones fuligineux. A l’instar de la photo qui orne l’album, innocente promenade dans un parc, qui pourrait for bien avoir été réduit en cendres par une explosion nucléaire quelques secondes plus tard, Long Forgotten Days Under a Dust Covered Sky laisse planer le doute : Est-ce vraiment des voix que l’on capte à travers la brume toxique ? Et si oui, que racontent-elles ? Que cachent ces émissions d’ondes ? Les formes se noient dans un flou âcre et rocailleux, un raclement de surface qui emporte sur son passage des lambeaux de rythmes, des field recordings, des vinyles tournant dans le vide, des fréquences acérées et de vagues réminiscences de mélodies. Souvent mélancolique, la musique de Nils Quak, sculptée avec un soin d’orfèvre, prend ici un tour plus sombre et tourne le dos à toute la vague rétro-past-n’importe quoi actuelle, comme s’il ne servait à rien de s’accrocher à un passé mythifié, à un hier définitivement perdu, comme s’il ne subsistait ni présent, ni promesse de futur : juste des vents toxiques soufflant sur les ruines de vies éparses semble nous dire tout l’album, jusqu’au toutes dernières notes de « To feel nothing », qui ouvrent soudain une fenêtre et terminent Forgotten Days Under a Dust Covered Sky sur une magnifique note d’espoir et de renaissance. Et si l’espoir n’est finalement pas au rendez-vous, c’est bien à une renaissance créative que nous convie Nils Quak sur son album suivant, qui troque le tout digital pour l’expérimentation à base de synthétiseurs modulaires, et délaisse du même coup les techniques éprouvées de la composition sur ordinateur (synthèse granulaire, accumulation de plugins...). Construit sur l’idée de l’éther cosmique, du vide, Aether n’est pourtant pas si vide que ça, et si les sons, plus amples et francs qu’à l’accoutumée, se réverbèrent davantage dans l’espace, c’est pour mieux y entrer en résonance avec ce qui se trouve là, l’éther pensé comme substance, comme l’imaginait la science du dix-neuvième siècle, ancêtre imparfait de la matière noire contemporaine. Tirant parti de ses nouvelles possibilités techniques, Nils Quak se lance ici à pieds joints dans l’inconnu, explorateur cosmique « coulant sans tomber, errant sans direction pour finalement n’être plus rien » comme il l’annonce en préambule de l’album. Les sons fusent comme autant de comètes, vibrent à l’image des radiations spatiales, craquent, se dissolvent dans l’obscurité. Vaste, et pourtant paradoxalement étouffant, Aether est l’album de la perte des repères, ce moment où l’on ne sait plus à quoi se raccrocher, où tout sonne comme un danger ou une menace. Et si c’est avec soulagement que l’on en accueille la fin, le retour à des rivages connus, c’est avec la certitude d’avoir vécu un grand moment d’aventure sonore.
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December 2013
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