A bien y regarder, l'oeuvre de Markus Popp sous l'identité d'Oval a toujours plus tenu de processus scientifiques et analytiques que d'une quelconque inspiration musicale. Très tôt, à travers ses installations et des concerts où étaient projeté l'écran de son portable, permettant à chacun de voir les mécanismes à l'oeuvre dans la déconstruction musicale, Popp a toujours cherché à exposer, sans pour autant le déflorer, ce qui faisait la nature du son d'Oval. Inventeur malgré lui du glitch, une simple technique devenu genre, Oval a été contraint à une pause de dix ans, le temps de réinventer de nouvelles procédures, et son retour l'an dernier avec O, série de cinquante titres très courts basés sur un travail à partir de vrais instruments avait pris tout le monde par surprise, car Markus Popp n'y faisait rien moins qu'engendrer un nouveau cosmos à partir du vide... et qu'il n'est jamais simple d'effacer totalement le tableau pour y inscrire d'autres formules. Dans ce contexte de recherches, le monumental OvalDNA tient effectivement les promesses de son titre. Au fil de vingt-cinq titres, plus dix en bonus, l'album se présente comme une confrontation entre l'ancien Oval (tous les titres relevant de cette période sont labellisés « Pre-O », certains remontant même à assez loin) et le nouveau, « Post-O », et expose clairement la matrice du projet. Compilation de titres bonus, de pistes de travail abandonnés, de miniatures délicates, OvalDNA est pourtant bien loin de la compilation « fonds de tiroir » et s'avère au contraire une part essentielle de la discographie d'Oval, celle qui lie tout, qui rassemble les ambiances flottantes, répétitives et saturées d'un « Octaeder 0.2 » (période Ovalcommers) à la guitare (?) délicatement traitée d'un « Heroic », le glitch compact de « Gegenlesen », à la grâce ludique d'un « Breemo », leur mise en parallèle mettant finalement autant en évidence les similitudes que les différences entre les deux âges d'Oval. Car si, et cela s'entent immédiatement, les titres composés après O laissent de plus en plus d'espace aux sons, qui croissent et se déroulent sur des surfaces dépouillées là où les anciens titres avaient tendance à combler tout vide qui aurait pu subsister, espaces clos et autosuffisants, la même attention au détail se retrouve dans tous les titres, quelle que soit leur période de création. Markus Popp se concentre sur un son, souvent unique, et en explore toutes les facettes, toutes les combinatoires, le déconstruit pour mieux en capturer l'essence. Une manipulation de laborantin désormais accessible à tous puisque, et c'est l'autre gros morceau d'OvalDNA, il nous donne ici toutes les clés de son univers en offrant sur un DVD bonus (outre dix autres titres, un clip et un reportage ), pas moins de deux mille fichiers sons tirés de ses archives, et un séquenceur apte à assembler et désassembler l'ensemble de manière inventive, qui aurait initialement du s'y trouver également, mais qui est finalement téléchargeable sur le site du label, ainsi que des nouveaux packs de sons. Confrontés à cette masse sonore, où il est finalement très simple d'obtenir rapidement un résultat « satisfaisant » mais très ardu d'arriver à l'épure pratiquée par Markus Popp, on ne peut que comprendre qu'ici la science se fait art, magie même, et que la possession de tous les éléments, de la notice et du contexte ne nous permet pas pour autant d'appréhender l'oeuvre dans toute sa subtilité. A la fois clé, carte et territoire, OvalDNA nous offre néanmoins la possibilité de jouer à être Markus Popp, à faire du presque-Oval et à baigner dans un environnement continuellement changeant. Plus qu'un disque, un grand oeuvre, qui éclaire d'un jour nouveau, non pas seulement toute la discographie d'Oval, mais aussi l'electronica dans son ensemble.