Arpenteur infatigable des horizons polaires qui irriguent l'ensemble de son oeuvre, Thomas Köner n'en délaisse pas moins, pour son premier album depuis trois ans, les illusions romantiques d’étendues d'un blanc immaculées au profit des glaces souillées, meurtries. Novaya Zemlya ne nous donne pas à découvrir le pôle des grands aventuriers du dix neuvième siècle, mais celui de la Guerre Froide. En choisissant de s’intéresser au destin de Nova Zemlya, l’île qui constitue le point le plus au nord de l'Europe, Köner prend à bras le corps une histoire chargée, faite de déplacement forcé de populations, d’essais nucléaires à répétion, incluant l’explosion de la plus grosse bombe atomique jamais construite, la Tsar Bomba, cent mégatonnes que les soviétiques firent sauter sur Novaya Zemlya en 1961. En tout, au cours du vingtième siècle, cette petite île vit partir en fumée plus de cent fois le total d'explosifs utilisés pendant la seconde guerre mondiale, et son paysage en a été profondément remodelé, des avalanches et des séismes faisant suite aux explosions. Avec un tel arrière-plan, il n'est guère étonnant que Novaya Zemlya soit l'album le plus désolé et sombre de Thomas Köner à ce jour. Des vents cendreux y soufflent sans fin sur des terres mornes et arides, des explosions étouffées résonnent au loin, des parasites de radios mortes et des voix isolées émergent du vide, survolent des pulsations de geiger affolés, c'est un univers post-apocalyptique et pourtant réaliste que dessine ici Köner en trois longs titres où les détails se dissimulent au détour d'une texture d'un gris sale. Car sur Novaya Zemlya, l'apocalypse a bien eu lieu, mais elle n'était que banalement humaine, et l'album, superbement réalisé, laisse un arrière-goût âcre dans la bouche, car c'est sans lyrisme, avec une précision chirurgicale que Thomas Köner pointe le doigt sur l'un des pires désastres écologique qu'aient connu les terres arctiques.
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Audience of One, le dernier album en date de l'Australien Oren Ambarchi est un disque déroutant. A la première écoute, il est même décevant, avant qu'il ne parvienne à creuser son chemin dans la mémoire, là où viennent s'installer toutes les oeuvres qui, finalement, en valent la peine. Déroutant car Ambarchi y délaisse largement les textures filandreuses et si subtiles qui faisaient tout le charme de ses albums précédents pour Touch, Grapes from the Estate et In the Pendulum's Embrace, et qu'il y aborde des formes musicales variées et pas forcément compatibles. Parce que, au travail solitaire, il a préféré la collaboration, s'entourant de multiples partenaires qui apportent leur voix et leurs univers, parce qu'il présente comme une suite en quatre mouvements ce qui apparaît clairement comme quatre travaux distants. S'ouvrant par la pop ambient, faussement simpliste de « Salt » qui rappelle Sun, le projet parallèle d'Ambarchi en plus éthéré, Audience of One est ensuite clairement dominé par le mastodonte « Knots », plus de trente minutes qui agrègent lentement autour du battement emballé d'une cymbale des blocs de plus en plus impénétrables de grondements de basse, de claquements, de violoncelles, de cors, de drones et d'attaques noise, le tout se nouant et se dénouant sans cesse pour habiller les percussions folles de Joe Talia. C'est là, dans cette course effrénée sur la frontière, dans cet équilibre casse gueule que se situe le coeur noir de Audience of One, dans un titre d'une telle puissance qu'il faut le réécouter sans cesse pour en absorber l'essence. Après un tel choc, évidemment, le reste de l'album pâlit un peu, et même le magnifique et retenu « Passage », qui sous-tend de guitares délicates et de textures lumineuses la voix pâle de Jessika Kenney ne peut vraiment échapper à l'ombre projetée par « Knots ». Reste à la reprise du « Fractured Mirror » de Ace Frehley la charge de conclure l'album, ce que, il faut bien l'avouer elle échoue à faire vraiment, son minimalisme de façade cachant surtout une dream pop peu inspirée qui est le seul vrai point faible de l'album. En définitive, Audience of One ne peut pas, selon moi, être considéré comme l'oeuvre complète qu'Oren Ambarchi déclaire y voir, mais comme deux pièces distinctes, qui auraient clairement pu être séparées. D'un côté, les trois titres courts, encore très révélateurs de la face lumineuse du compositeur, de ses aspirations et de son passé pop, et de l'autre, « Knots » dont la force impressionnante ne justifie aucun compagnonnage, mais donne à Audience of One largement de quoi faire oublier ses quelques faiblesses.
Omniprésent depuis quelques mois à travers ses différents projets, Philippe Petit n'entend pas céder un pouce de terrain, et quelques semaines à peine après la sortie du nouvel album de son projet Strings of Consciousness, le voilà qui revient occuper nos platines avec pas moins de quatre nouveaux CD, aussi dissemblables qu'indispensables. On commencera donc notre voyage par Fire Walking to Wonderland, le second volet de sa trilogie Extraordinary Tales of a Lemon Girl. Alors qu'on avait laissé la Lemon Girl dans l'expectative à l'issue de Oneiric Rings on Grey Velvet, au bord d'un abîme qui semblait l'attirer malgré elle, Philippe Petit l'y fait tomber pour de bon cette fois-ci, et hélas pour elle la descente n'est pas de tout repos. Là où son prédécesseur négociait des accalmies, des refuges oniriques à son héroïne, Fire Walking to Wonderland est tout en menace frontale, en climats dissonants, et en cordes distordues qui l'enserrent et l'entrainent toujours plus loin dans les profondeurs de ce qui apparaît bien plus comme un monde de cauchemars que comme un pays des merveilles. Plus proche ici de la musique nouvelle que des soundtracks qui sous-tendaient Oneiric Rings on Grey Velvet, Philippe Petit ajoute une nouvelle barbelure incandescente à son arc. Largement plus tendre dans son hommage à sa fille Eugénie (heureusement pour elle), Philippe Petit n'en fait pas pour autant dans le rose bonbon. Eugenie regorge de chausse trappes, heureusement ici compensées par des sonorités douces de violons et de violoncelles émergeant de blocs de bruit pour mieux se noyer ailleurs dans des craquements sinistres . Avec Eugénie, Philippe Petit signe son Sinking of the Titanic version bateau en plastique dans un aquarium. Décidément tout sauf une berceuse ! C'est du côté de la brutalité qu'on retrouve Philippe Petit sur Una Symphonia della Paura, un album né d'une collaboration avec Justin Broadrick, un « Murmurs » massif et d'une lenteur oppressante (on pense à un Mater Suspiria Vision qui aurait croisé Sunn O))) en chemin) qui ouvre le pas à des torrents noirs et hantés. Assauts noise, percussions tribales captées à travers des tonnes de souffle, picots électriques, Una Symphonia della Paura met tous les compteurs dans le rouge, et si les constructions subtiles de morceaux dont Philippe Petit est coutumier sont ici noyées dans la masse, c'est au profit d'une redoutable efficacité, de l'avancée inéluctable d'un bloc massif et rugueux, bardé d'aspérités comme une arme inconnue. Enfin, sous son identité de Philippe Petit & Friends (les amis nouveaux venus comptant entre autres Nils Frahm, Rob Ellis, Aidan Baker, James Johnston (Gallon Drunk), Richard Harrison (Spaceheads), Reihold Friedl (Zeitkratzer) ou Adrian Klumpes), on le retrouve une dernière fois avec Cordophony, un album polychrome qui mêle finesse néoclassique (« Eunoïa ») et coloration folk hérissée de dissonances (« The Sunflower who does not like to turn to the Sun »), pièces pour piano d'avant-garde (« The Modern Dance for the advanced in Age »), hommage à la tradition musicale (« Merlin's Music box » étant présenté comme un hommage à Janacek), bande originale crispante (« Oneiromancy ») et même une berceuse cauchemardesque (« Lullaby »). Complexe et fascinant de bout en bout, Cordophony est une aventure sonore hors normes comme on n'en découvre que trop peu. Raison de plus pour ne pas la laisser passer ! Colossale prise de risques pour Peter Rehberg (Pita) et Stephen O'Malley (Sun O))) ), V est une remise à plat de tout ce à quoi nous avait habitué KTL sur ses précédents albums. Suite aussi inattendue que finalement logique de leurs évolutions respectives, V évacue ainsi tout le contexte rock dans lequel agissait KTL pour plonger à pieds joints dans l'ambient et la musique concrète. Enregistré sur une période relativement longue dans le légendaire studio suédois EMS et au GRM de Paris, deux institutions qui sont pour beaucoup dans le développement de la musique électronique « savante » au cours du siècle dernier, V propose des titres lents et dépouillés, évoluant dans des registres très bas, dépourvus des attaques noise habituelles de Pita. Allant jusqu'à faire orchestrer un des titres (« Phill 2 »), l'un des plus beaux moments de l'album, par Johann Johannsson accompagné de l'Orchestre Philharmonique de Prague, et recourant pour l'essentiel à des synthétiseurs modulaires, V est une magnifique oeuvre de musique expérimentale qui, tout en s'inscrivant dans la droite ligne des productions du GRM (et ce n'est sans doute pas un hasard si Editions Mego vient d'en entreprendre la réédition à travers une nouvelle subdivision), tire également parti de l'héritage musical de ses auteurs. Quant à leur goût pour les climats mortifères, on le retrouve pleinement sur « Last Spring : A Sequel », dont les vingt minutes terminent V d'une manière totalement inattendue. Basé sur une installation de leur comparse de longue date Gisèle Vienne, et porté par la voix grinçante et grand guignolesque de Jonathan Capdevielle, son histoire inspirée du mythe de Frankenstein très sobrement illustrée par KTL, est une magistrale plongée dans la folie créatrice d'un homme et dans l'innocence aveugle de son oeuvre de chair. Glaçant, à l'image de V, qu'il parachève brillamment, « Last Spring : A Sequel » dresse un pont entre ce qu'a pu être KTL et ce qu'il est devenu, une créature qui a décidé d'échapper à ses maitres pour les conduire vers un ailleurs imprévisible.
En décidant qu’il était temps d’offrir les clés de son album Tiger Flower Circle Sun, paru en 2010 chez Ghostly International, à d’autres artistes, Christopher Willits n’a pas lésiné sur les moyens puisque, au lieu de compiler un simple album de remixes par des signatures attendues, il a préféré en faire un concours de remixes, ouvert à tous, les participants ayant comme seules ressources communes un paquet de cent vingt et un sons utilisés par Willits sur l’album et pour seule consigne de s’amuser et de composer ce qu’ils veulent avec. Au final, et même si on devine que de nombreux autres ont du être envoyés, c’est tout de même cinquante remixes que Willits a sélectionné pour Tiger Flower Circle Sun- Remixes, une compilation téléchargeable à prix libre sur le site de son label Overlap. Comme on pouvait s’y attendre, avec un album aussi riche et polychrome que celui qui a servi de source, les remixes partent ici dans tous les sens, explorant à fond les différentes facettes de Willits, de l’ambient flottante de ses collaborations avec Taylor Deupree ou Ryuichi Sakamoto aux textures plus ouvertement pop que le guitariste développe depuis quelques années. Et si, autour de quelques noms connus, de Robert Lippok à Celer, John Hudak, Szymon Kaliski ou Corey Fuller (de Illuha), les jeunes pousses occupent le gros du terrain, force est de constater que le talent est ici également réparti et que nombreux sont ceux qui ont su tirer parti des contraintes pour s’imposer. On retiendra donc principalement ici une grosse poignée de titres qui ont tous, à leur manière, su emmener la musique de Christopher Willits sur d’autres territoires. Dans l’ambient, évidemment, le choix qui revient le plus souvent, adopté, entre autres, par Corey Fuller, Celer, Leonardo Rosado, Ted Appel et Go Dugong, dans la dream pop élégiaque avec Lamont Kohner et Chris McNamara, dans une electronica ronde (Davic Nod) ou plus cliquée (Andy Cowling), dans une shoegaze flottante (Roma 79) ou un post punk toutes basses en avant (Robert Lippok), dans la techno minimale (The Sight Below) comme dans un techno dub apaisé (Big Phone, MimiCof) ou un post-rock décalé (Pearson Constantino). Au final, à travers ses cinquante titres, Tiger Flower Circle Sun- Remixes remplit triplement son office. Premièrement, il prolonge plus qu’agréablement l’album original qui l’a vu naitre, deuxièmement, il démontre la versatilité et la pertinence de la musique de Christopher Willits, capable de s’adapter à toutes ses mutations sans y disparaitre, et enfin, il nous donne quantité de nouveaux artistes talentueux dont nous suivrons le travail dans l’avenir. Merci pour tout ! Jusqu'à présent, le nom de Prurient avait toujours été synonyme de noise. Plus ou moins agressive, certes, mais le projet du New-Yorkais Dominick Fernow constituait l'une références les pus fiables en ce domaine. Or, après les accointances de Fernow avec le groupe de neo-new-wave Cold Cave et quelques moments plus calmes qui commençaient, par-ci par là à s'immiscer dans les marges, ce nouveau single de Prurient est une vraie surprise, parce qu'il développe avant tout sur sa première face des textures ambient très sombres (pas tout à fait du dark ambient, parce que les clichés manquent à l'appel, mais on n'en est souvent pas très loin), traversé de voix et de bribes de field recordings au service d'une histoire qui, si elle se veut prophétique – tous les titres arborant des références bibliques- se révèle surtout inconfortable. Sur la face B, apparaissent des percussions bouclées et des nappes d'orgue lancinantes, avant que « Judgement to the World » ne vienne s'imposer à travers sa guitare folk distordue et que des choeurs angéliques parachèvent l'ensemble. Dominick Fernow aurait-il finalement vu la lumière ? Le Prurient de demain s'orientera t-il dans cette direction nouvelle ? Dieu seul le sait ! Troisième volet de ce qui est maintenant devenu une collaboration au long cours autant qu'épisodique entre l'Autrichien Christian Fennesz et le vétéran japonais Ryuichi Sakamoto, Flumina inverse les règles qui avaient prévalu à la composition de Cendre il y a cinq ans, puisqu'ici c'est Sakamoto qui est à l'origine de l'ensemble des morceaux, autour desquels Fennesz compose un habillage de textures. Composé à partir de vingt quatre pièces improvisées jouées par Ryuichi Sakamoto au début de chaque concert de sa tournée japonaise, Flumina couvre tout le spectre tonal puisque chaque morceau est dans une gamme différente, et que l'ensemble est ainsi exploré. Conséquence sans doute logique de ce mode de création, c'est le piano qui est ici au coeur de chaque titre, la patte de Fennesz, que ce soit au laptop, à la guitare ou au synthétiseur se faisant des plus discrètes. Pas question ici de noyer les mélodies sous des nappes épaisses de brouillard comme pouvait le faire Cendre, les deux CD de Flumina pourraient d'ailleurs presque s'apprécier comme des travaux solo du japonais. Mélancolique et léger, parfois trop (certains titres ne dépareraient pas dans un piano bar), Flumina atteint toutefois sa pleine mesure lorsque les deux univers, au lieu de simplement se souligner l'un l'autre, en viennent à se fondre (« 0319 », « 0314 », « 0420 »...) dans des paysages aux couleurs mordorées, des ambiances retenues portées par les notes, toujours placées avec un art consommé du presque rien. Associée depuis ses débuts aux métropoles occidentales, du Dusseldorf de Kraftwerk à la techno de Detroit, la musique électronique ne serait-elle à même de s'épanouir qu'à l'ombre des gratte-ciels ? N'y a t-il point de salut pour les sonorités numériques loin des périphériques ? Pour son premier album chez Raster-Noton (mais le dixième en réalité), Sasu Ripatti, alias Vladislav Delay, qui a quitté depuis quelques années déjà l'agitation berlinoise pour les forêts de sa Finlande natale, où il a construit, partiellement de ses mains, son nouveau studio, entend pourtant évoquer le paysage finlandais, sans recourir aux recettes free folk qui font florès dans son pays, sans même laisser l'omniprésence d'une nature toute proche lui laisser guider sa palette sonore. Dense, Vantaa regorge d'ambiances complexes, et s'il s'ouvre sur des ambiances dub et cosmiques, équivalent sonore de la contemplation d'un ciel nocturne durant une nuit d'hiver (« Luotasi »), Vantaa développe bientôt des résonances plus traitres, des présences inconnues guettant à l'orée de nos perceptions (« Lipite »), avant de glisser peu à peu, de manière très graduelle, vers l'oppression de «Lauma » et de son rythme aliénant, à la fois tribal, primitif, et totalement désincarné et de revenir à des climats plus sereins et organiques (« Levite »). Musique de la pierre, du vent, du bois, des corps, mais intégrés, fusionnés à la machine, recombinés sous forme d'algorithmes, Vantaa pose les bases d'une nouvelle nature, dont on espère que Vladislav Delay développera vite les principes fondateurs dans une série d'albums à venir pour le label allemand.
Personne n'est une île. Et Bérangère Maximin, qui a passé son enfance sur celle de la Réunion avant de rejoindre Paris, le sait sans doute mieux que tout le monde. Son histoire musicale est ainsi jalonnée de rencontres diverses au fil de travaux dans les domaines du théâtre, de la danse, du cinéma ou des pièces radiophoniques et de collaborations, sur scène la plupart du temps. Un pied dans l'électronique, l'autre dans l'acousmatique, un oeil sur la scène impro et l'autre sur la composition rigoureuse et le travail vocal, Bérangère Maximin marche sur les frontières, n'en traversant aucune et ne s'inscrivant jamais durablement dans un espace défini. Pour son second album après Tant que les Heures passent sur Tzadik, elle rejoint la série des Framework de Sub Rosa (où elle succède, entre autres, à Cristian Vogel, Francisco Lopez ou Ulrich Krieger) avec un No one is an Island marqué par l'omniprésence des collaborations, principalement avec des guitaristes, puisque, à l'exception notable de Rhys Chatham, ses trois autres partenaires (Christian Fennesz, Richard Pinhas et Frédéric D. Oberland) y officient tous à la six-cordes. Confessant que ces collaborations ont changé sa manière d'écouter et de composer, Bérangère Maximin leur octroie ici davantage de place que ce que l'on aurait imaginé, laissant ainsi largement à Frédéric D. Oberland et Richard Pinhas la place de choix des titres auxquels ils participent, amenant à un résultat très mélodique pour le premier et à une coloration nettement plus bruitiste dans le cas du vétéran. Plus présente dans sa collaboration avec Fennesz, qu'elle transforme hélas en confrontation un peu vaine sur un «Knitting in the Air » où leurs univers, la guitare de l'autrichien et sa voix à elle, cherchent à s'épuiser mutuellement, elle arrive, avec les même ingrédients, à faire fonctionner à merveille leur second titre commun, « Bicéphale Ballade ». Enfin, reste au seul non-guitariste du disque le soin de sortir du lot, ce que Rhys Chatham parvient immédiatement à faire à travers un saxophone utilisé dans toute ses dimensions et peu à peu grignoté par les machines de Maximin, victorieuses au finish de ces espaces partagés. Inégal, en ce sens qu'il ne laisse pas pleinement percer la personnalité de Bérangère Maximin face à ses prestigieux invités, No one is an Island, n'en demeure cependant pas moins un bel exemple de tentative de fusions d'univers, et c'est avec attention que l'on suivra l'impact que ces collaborations auront eu sur le parcours futur de la jeune compositrice. Depuis un an, il est devenu difficile d'imaginer le Japon sans y associer un sentiment de perte et de catastrophe, sans que vienne s'interposer entre nous et le pays les images terribles associées au tsunami et à l'après Fukushima. Paradoxalement, en voulant traiter du concept japonais de Shibusa, qui met en avant la beauté des choses de la vie quotidienne, Monty Adkins parvient à rentrer en résonance avec ces interférences historiques, et à en tirer des ambiances aussi dépouillées que positives. Pas de pathos sur un titre comme « Sendai Threnody », qui aurait pu virer à la mélodie tire-larmes mais qui, entre les clarinettes sobres de Jonathan Sage et Heather Roche et de subtils éléments électroniques, évoque davantage le soleil revenu sur les ruines que les moments apocalyptiques qui ont précédé. Ailleurs sur l'album, Adkins développera ce sentiment de tranquille renaissance sur trois autres titres où les mélodies liquides se fondent dans des structures précises et délicates, où l'ambient peut ouvrir sur des passages de glitches plus âpres (le splendide « Kyoto Roughcut ») pour mieux céder la place à des sonorités organiques. Travail d'orfèvre, qui confirme tout le bien que l'on avait pensé du précédent album de Monty Adkins,fragile.flicker.fragment, Four Shibusa est un grand moment d'osmose entre l'électronique et l'humain, entre le spirituel et le quotidien. |
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December 2013
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